Depuis mai, l’État allemand et l’entreprise Siemens testent conjointement un tronçon de 5 kilomètres d’autoroute, équipé d’un système de câbles et caténaires (similaire aux lignes de tramways). Les camions hybrides équipés pourront circuler à l’électricité et recharger leurs batteries tout en roulant, réduisant la consommation d’essence et les émissions de gaz carbonique.
Une solution écologique et économique
Après un premier essai public de 2 kilomètres, depuis 2016 sur une autoroute Suédoise, c’est au tout de l’Allemagne de tester le dispositif, via un tronçon de 5 kilomètres sur l’autoroute A5, près de Francfort. La voie a été équipée début mai du récent dispositif eHighway de Siemens, qui demeurera en l’état jusqu’en 2022. L’alimentation en électricité des camions est assurée par un triptyque technologique classique, mais comprenant quelques innovations intéressantes, réduisant considérablement la consommation énergétique des poids lourds empruntant ces autoroutes.
Au total, 30 millions d’euros ont été investis par Siemens et le ministère de l’environnement allemand, afin de poursuivre une politique de dé-carbonisation des autoroutes allemandes. L’équipement du caténaire coûte environ 150.000 euros par camion, pour un résultat prévisionnel de 20€ d’économie tous les 100 kilomètres. Les résultats préliminaire montre déjà une amélioration de la pollution sonore, puisque les camions équipés de moteur hybrides ne produisent presque plus de son et vibration lorsqu’ils utilisent le dispositif des eHighways. Cette alimentation électrique ponctuelle permet aussi des améliorations matérielles concrètes en réduisant la taille des batteries, sans compromettre les capacités des véhicules au vu des 80% d’efficacité de la connectique actuelle des pantographes.
En tout, c’est plus de 7 millions de tonnes de CO2 par an qui seraient ôtés du trafic routier, si 30% des autoroutes pour poids-lourds venaient à être équipées du système. Cette annonce n’est pas uniquement un argument de communication de Siemens, puisque la BDI (Fédération des Industries Allemandes) recommande « seulement » 4’000 km d’installation pour parvenir à une viabilité économique et écologique. La faisabilité économique de cette distance d’installation dépendra en partie du bon vouloir des compagnies de transport en camion, sachant que seuls 11% de leurs revenus serviraient à couvrir l’investissement pour installer ces 4’000 km, augmentant la rentabilité à long terme de plus de 80% de ces compagnies. Une solution clef-en-main que propose Siemens, donc, déjà positif dans ses prévisions de durabilité économique.
Pour ce qui est de l’installation, de grands travaux sont à prévoir pour un déploiement sur de grandes surfaces : des cabines permettant de fournir l’électricité, disposées régulièrement sur les bords de l’autoroute, elles comprennent entre autre des armoires de commutation à moyenne tension, des transformateurs, ainsi que des redresseurs qui régleront les problèmes de feedback et surtension qui auraient pu mettre en danger les usagers de l’autoroute. La sécurité du dispositif est promise par Siemens, qui test plus la viabilité économique et énergétique que la fiabilité et la sécurité de eHighway.
Ces cabines sont reliées à une série de câbles surplombant la route, à la manière des lignes de tramway à alimentation suspendue que l’on aperçoit depuis plusieurs décennies dans les zones urbaines. L’innovation clef de ce système provient du pantographe rétractable dont s’équipent les camions : la connexion au réseau se fait d’un simple bouton, même en roulant, et ce de 0 à 99km, permettant à tous les poids lourds équipés de profiter de cette installation sans pour autant en dépendre.
Un défi, vers des perspectives d’application internationales
Le système de caténaires utilisé dans ce réseau, sur le même principe que d’anciens modèles de tramway, demande une logistique importante répondant à de nombreux paramètres. Par exemple, un dispositif anti-givre automatique permettra de parer la variation des conditions météorologiques sur des distances étendues. Cette période de test sera absolument décisive pour Siemens qui compte exporter cette solution dans divers environnements : bus-navettes, exploitations minières, zone de trafic dense, …
Cet essai grandeur nature demande une synergie entre l’État allemand, Siemens, et les entreprises de transport poids-lourds, façonnant une coopération encore rarement vue dans le domaine des transports renouvelables. Des tests sont en cours dans d’autres pays, notamment en Suède ou le constructeur Scania est déjà investi dans l’aventure. Au terme de ces quatre ans d’essais (jusqu’en 2022), sont envisagés des installations sur les axes routiers européens majeurs, on pourrait penser à des eHighways entre la Pologne et la France, de Francfort à Hambourg, et pourquoi pas au cœur des réseaux industriels.